Les Work Songs de Jaimeo Brown

Alors que 2017 égrène lentement ses jours, que 2016 fini d’étaler ses linceuls toujours moins blanc que blanc, cette bonne amie la musique continue à me tendre ses bras généreux.
Et venir ici partager une certaine tendance à ne plus être d’accord.
Pourtant avant tout l’envie profonde d’être envahi de notes et d’accords : Work Songs.

Jaimeo Brown - Transcendence

D’abord évitez de regarder la vidéo ci-dessous.

Faites l’effort si minime de consacrer 56mn à écouter Work Songs. Je vous y invite parce que j’aimerais savoir si après avoir écouté l’album, vous aurez comme moi, la tenace impression que ce clip illustre parfaitement la musique. Comme une évidence.
A vous de voir.

« Avoir le courage de poursuivre un chemin qui n’est pas la voie qui s’offre à première vue ; c’est le seul moyen de savoir qui tu es vraiment » – Jaimeo Brown

1° album en tant que leader

Jaimeo Brown n’est pas un musicien qui vient de nulle part, loin de là. Le musicien s’est formé à NYC, s’est frotté a plus d’une session et laisse forcément trainer ses oreilles dans les rues sonorisées par le hiphop, le RnB où je ne sais quels sons.
A 38 ans, il est un batteur/percussioniste reconnu. Je vous laisse découvrir la liste de ses collaborations musicales, plutôt complet.

Mémoires et entrelacements

Le sideman a construit son album sur la mémoire. La mémoire qui se renouvelle à travers des samples découpés dans les enregistrements d’Alan Lomax parti enregistrer au cœur du Mississippi les chants de prisonniers enchainés, ou via ses propres enregistrements de gospels, de blues, mémoires orales vivantes d’un passé encore bien proche où les afro-américains n’existaient pas encore, les quotas encore moins.
Entrelacements encore entre les techniques, les influences, les styles. Autant de racines pour construire au final une seule et même identité. Et là on reconnait tout l’apport de Chris Scholar à la production impeccable du disque.
Avec Work Songs, Jaimeo Brown livre un véritable « concept album » – et VRAIMENT je déteste cette étiquette. Pourtant si l’homme revendique son héritage afro-américain c’est pour mieux le réinventer.

Sur ce canevas Jaimeo Brown a tissé l’univers de Work Songs.
Illustration immédiate avec Be so Glad.

Un Jazz noir, dans tous les sens
En lançant Work Songs n’imaginez pas vous plonger dans l’Amérique guillerette et inquiète des feuilletons télévisés.
Non. Vous entrez sur ces routes qui semblent ne mener nulle part. Là où entre deux étapes pour vous reposer de la poussière, vous vous arrêtez prendre un café. Sur ce parking de motel seules quelques carcasses rayées par les bouquets d’épineux desséchés poussés par le vente règnent. Dans le motel la pin up glamour qui tient lieu de pancarte dehors a 85 ans. Les subprimes illustrées. Il faut vivre.
Qu’il semble loin le délire onirique du café de Paris Texas.

Le Jazz de Jaimeo Brown est fier d’être noir (merci Marco Prince), mâture et forcément lucide.

Et le jazz.

Le Jazz réinvente sans cesse les traditions.

Ici le jazz se pare de tout ce que la fin du 20° siècle a creuser en sillons noirs de vinyles.
Le Hiphop omniprésent.
Culture mâture entre les mains du groupe. Au delà de l’art du simple collage, porté par l’ancêtre du remix : le standard. S’approprier un thème pour le faire sien. Retourner chercher ces chants anciens, scandés aux rythmes des travaux forcés. Ces chants au final fondateurs, infrastructure sur laquelle s’est construit ce que l’on a appelé le rêve américain.
Et si NYC tient une bonne place sur la carte de l’ « American Dream », cette carte de visite postale maintes fois filmée se situe bien entre le sud et le nord. Celui de Detroit par exemple. Ville des techno froides d’UR (pour ne citer qu’eux) ou d’un Just Another Nigga par exemple. Noire leur musique, froide aussi malgré le groove et le beat qui œuvrent comme autant de masques face à la crue réalité du quartier. Là où les joyeuses block parties ont laissé la place à The Wired, IRL.

Si la chaleur du sud semble bien loin, la clameur de la colère s’agrège.

Laissez-vous guider par Jaimeo Brown, un compagnon musical bien plus efficace que n’importe que prospectus commercial pour (re)découvrir ces USA en ce moment salement bafoués.

Jaimeo Brown Transcendence : Live chez KEXP

L’album est disponible chez Bandcamp par ex.

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